L’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et les Etats membres de l’Union Européenne ont signé ce 15 novembre 2023 à Apia dans les îles Samoa, un nouvel accord de partenariat qui servira de cadre juridique global à leurs relations pour les vingt prochaines années.
C’est désormais officiel. Deux ans après la fin des négociations entre les pays du bloc Afrique-Caraïbes-Pacifique (OEACP) et ceux de l’Union Européenne (UE), le nouvel accord de partenariat est effectif. Les deux parties ont signé le mercredi 15 novembre dernier à Apia (Samoa), le nouveau cadre de coopération qui succède à celui de Cotonou, en vigueur depuis deux décennies.
La nouvelle entente, désormais appelée ‘Accord de Samoa’, a été paraphée une dernière fois lors d’une cérémonie, par les négociateurs en chef des deux blocs, le ministre des affaires étrangères togolais, Robert Dussey, et la Commissaire de l’UE pour les partenariats internationaux, Jutta Urpilainen.
Le nouveau document, juridiquement contraignant, formalise ainsi le partenariat renouvelé entre les deux entités, et ouvre la voie à une collaboration renforcée sur une série de questions cruciales, notamment le développement durable, le changement climatique, les droits de l’homme et la gouvernance démocratique.
Refonte des relations Europe-OEACP
« Tout au long des négociations, notre organisation a tout fait pour que le passage de l’Accord de Cotonou à l’Accord de Samoa ne soit pas une simple formalité, un simple « jeu de langage », mais l’occasion d’un véritable changement du partenariat. Plus qu’une simple occasion de renouvellement d’un accord devenu caduc, le nouvel accord doit offrir l’occasion d’une refonte des relations Europe-OEACP », a insisté Robert Dussey, lors de la cérémonie qui a réuni les délégations de tous les pays concernés.
Pour le chef de la diplomatie togolaise qui a rappelé la nécessité du multilatéralisme dans un monde de plus en plus « perturbé », « l’accord de Samoa doit être un nouveau départ et non la transition vers la fin du partenariat OEACP-UE ».
« Finalement, c’est fait. Après des mois de négociations, l’accord entre les Etats d’Afrique des Caraïbes et des pacifiques et l’Union Européenne appelé accord de Samoa qui succède à l’accord de cotonou est signé. Merci à tous et à toutes. Le processus a été laborieux et par moment difficile, mais l’essentiel et ce qui compte au final, c’est l’accord conclu. L’issue heureuse des processus de ce genre de négociation a souvent l’avantage d’adoucir les peines et les mauvais souvenirs puisque ce que l’on retient en dernière instance c’est le résultat. La fin justifie donc les sacrifices. Désormais travaillons pour sa ratification selon chacune de nos législations », », a déclaré Prof Robert Dussey.
Cinq ans de travaux
C’est donc la fin de cinq années d’intenses travaux et de laborieuses consultations à travers le monde, durant lesquelles le Togo, mandaté solennellement en mai 2018 à Lomé pour présider le Groupe central de négociations, a œuvré pour une conciliation des différentes positions. Place désormais à la ratification du nouveau socle de partenariat par les législations nationales.
En intégralité le discours du Prof. Robert DUSSEY, Chef Négociateur OEACP
Madame le Premier ministre de l’État Indépendant de SAMOA, Monsieur le Président du Conseil des Ministres de l’OEACP, Monsieur le Président du Conseil des Ministres de l’Union Européenne,Madame la Commissaire européenne aux Partenariats Internationaux, Monsieur le Secrétaire général de l’OEACP, Mesdames et messieurs les ministres, Messieurs les Co-présidents de l’Assemblée parlementaire paritaire de l’OEACP-UE, Mesdames et messieurs,
Nous étions ici à Apia à Samoa en février 2019 dans le cadre des consultations politiques OEACP-UE sur les protocoles régionaux du nouvel accord en préparation. Quatre ans et demi après, nous voici encore à Samoa et accueillis avec le même sens de l’hospitalité. Je voudrais remercier les Autorités du pays pour leur accueil chaleureux et les dispositions prises pour faciliter notre séjour aux Îles Samoa, îles d’hospitalité.
Mesdames et messieurs Chers collègues,
Le mandat de négociation de notre Organisation en vue de l’Accord post-Cotonou a été solennellement remis au Togo en fin mai 2018 à Lomé en tant que pays choisi pour présider notre groupe central de négociation. Nous avions lancé les négociations avec la partie européenne le 28 septembre 2018 en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York et elles ont pris fin avec le paraphe du désormais nouvel Accord le 15 avril 2021.Les étapes institutionnelles de validation interne de chacune des Parties au partenariat avaient ensuite pris le relai et nous voici aujourd’hui réunis à Samoa pour la signature du nouvel Accord. Le processus a été laborieux et par moment difficile, mais l’essentiel et ce qui compte au final, c’est l’accord conclu. L’issue heureuse des processus de ce genre a souvent l’avantage d’adoucir les peines et les mauvais souvenirs puisque ce que l’on retient en dernière instance c’est le résultat. La fin justifie donc les sacrifices.
Cependant, je m’en voudrais de passer sous silence et de ne pas exprimer ma profonde gratitude aux dirigeants des autres pays membres de notre Groupe central de négociation dont le soutien a été toujours au rendez-vous lors des négociations. Que le Secrétaire général de l’OEACP, qui nous a fourni un appui constant lors du processus, trouve ici mes remerciements de même que la Commissaire européenne aux partenariats internationaux madame Jutta Urpilainen, avec qui nous avions fait le chemin des négociations ensemble.
Mesdames et messieurs,
Nous nous apprêtons à signer l’Accord Post-Cotonou, désormais « Accord de Samoa », dans un contexte international où le multilatéralisme est fortement perturbé. La signature du nouvel Accord nous permet de réaffirmer notre attachement au multilatéralisme et aux vertus de la coopération. Le monde a davantage besoin du multilatéralisme et de la coopération puisque nous avons des défis à la fois complexes et transnationaux à relever ensemble. Ce qui justifie le multilatéralisme et nous l’impose dans le monde actuel comme un horizon indépassable, c’est la nature complexe et globale des défis à affronter et les domaines stratégiques de coopération inscrits dans le cadre socle commun du nouvel Accord en sont une illustration.
Mais le multilatéralisme ne peut tenir ses promesses non encore tenues que s’il est réinventé dans la perspective d’une volonté de réforme assumée. Le partenariat OEACP-UE, en tant que cadre de coopération liant l’Afrique, les Caraïbes, le Pacifique et l’Europe, ne peut rester en marge du vent de réforme.
C’est pourquoi tout au long des négociations, notre organisation a tout fait pour que le passage de l’Accord de Cotonou à l’Accord de Samoa ne soit pas une simple formalité, un simple « jeu de langage », pour reprendre un concept de Ludwig Wittgenstein, mais l’occasion d’un véritable changement du partenariat. Plus qu’une simple occasion de renouvellement d’un accord devenu caduque, le nouvel accord doit offrir l’occasion d’une refonte des relations Europe-OEACP.La plupart des acteurs qui ont institué notre partenariat ne sont plus de ce monde, et il y a eu à plusieurs reprises un renouvellement de générations. Ce changement au niveau des acteurs est un atout pour notre partenariat et nous, générations actuelles, devrons porter le partenariat OEACP-UE à un niveau qualitatif jamais atteint.
Mesdames et messieurs,
Chers collègues,
La bonne application de l’Accord de Samoa déterminera l’avenir de l’OEACP et du partenariat OEACP-UE. Et il s’agit d’un nouvel accord à mettre en œuvre dans un nouvel environnement et dans un nouvel état d’esprit. C’est à cette seule condition que notre partenariat peut survivre à l’Accord de Samoa. L’accord de Samoa doit être un nouveau départ et non la transition vers la fin du partenariat OEACP-UE.
Le résultat de la mise en œuvre du nouvel Accord d’ici quelques années devra nous convaincre que nous avions eu raison de continuer le partenariat dans le cadre OEACP-UE que certains considèrent comme inapproprié dans le monde actuel en raison du contexte historique d’émergence du partenariat.
En Afrique, la demande de changement de paradigme dans les relations Europe-Afrique est aujourd’hui très forte et l’application du nouvel accord devra tenir compte de cette exigence. L’Afrique est en profonde mutation dans un monde lui-même en mutation, et l’Europe doit tenir compte de cette nouvelle donne dans son nouveau rapport avec l’Afrique.
Enfin, le partenariat OEACP-UE que nous voulons doit être véritablement celui de nos peuples. Il doit être en phase dans son opérationnalité avec des attentes d’indépendance, de respect, de dignité, de justice et d’équité des peuples d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Si le partenariat n’intègre pas ces attentes légitimes de nos peuples, il ne pourra pas tenir ses promesses.
Nous avons besoin d’un profond sens d’écoute et de responsabilité dans l’application du nouvel Accord. Notre partenariat mourra ou survivra de cet Accord et tout dépend de notre capacité à l’appliquer avec pragmatisme dans un nouveau schéma de comportement et un nouvel état d’esprit.
Je vous remercie pour votre aimable attention.